Du 30 août 2021 au 03 septembre 2021, l’équipe de Natural Justice a organisé des activités bénéficiant aux communautés locales défenseurs des Droits humains et de l’environnement à Madagascar sous le financement de Voice. 15 représentants de communautés locales, de parajuristes et d’Organisations de la Société Civile (OSC) issus de 8 Régions de l’île ont participé à deux activités : un renforcement de capacités juridiques et une séance de plaidoyer et de communication. Ces représentants ont été choisis spécialement car ils s’investissent activement dans la recherche de solutions aux cas touchant leurs Droits humains et environnementaux.
De telles activités interviennent à point nommé dans un contexte où la situation des défenseurs de Droits humains et environnementaux connaît des difficultés. En effet, les communautés locales s’investissent dans des actions de protection de leur territoire de vie et de leurs ressources naturelles qui peuvent les mettre leurs droits en péril. Depuis la pandémie de covid-19, on assiste à l’augmentation progressive des cas de violations de droits rencontrés par les défenseurs que ce soit à titre individuel ou collectif. Les homicides, les détentions arbitraires, les menaces et les pressions, la discrimination ou autres subsistent et fragilisent les conditions de vie des défenseurs ainsi que leur aptitude à se protéger. Les cas d’exploitation illicites de ressources naturelles se sont multipliés et les défenseurs observent de plus en plus de difficultés dans l’application de la loi. La faible maîtrise de la législation entrave la capacité des défenseurs à prendre des mesures effectives pour protéger leurs droits. Leur méconnaissance des procédures pénales en vigueur les amène parfois à commettre des erreurs qui entraînent leur arrestation et mise en accusation. Par ailleurs, les communautés hésitent à dénoncer l’existence des violations de droit tant que leur sécurité physique et numérique ne sont pas assurés.
Un renforcement de capacités au profit des défenseurs de Droits humains et environnementaux
La première activité organisée pour les défenseurs était un renforcement de capacités en vue d’une protection plus effective de leurs droits face aux exploitations de ressources naturelles. Les défenseurs ont été initiés aux normes et procédures en vigueur pour assurer la défense de leurs droits et de leurs intérêts. Le renforcement de capacités a été organisé dans le cadre d’une Initiative conjointe entre Natural Justice et TAFO MIHAAVO (réseau de communautés locales gestionnaires de ressources naturelles) en collaboration avec le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD).
Pendant une durée de trois jours, deux formateurs issus du Ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD) et un formateur issu de l’Office National de l’Environnement (ONE) ont formé les représentants des communautés locales sur la pratique du droit dans la gestion et l’exploitation des ressources naturelles renouvelables. Ces formations ont eu pour résultat d’augmenter les connaissances des communautés sur les principes généraux qu’elles doivent maîtriser sur l’exploitation des ressources naturelles, l’étendue de leur implication dans les processus liés aux obligations sociales et environnementales des exploitants de ressources naturelles et l’utilisation des voies et procédures existantes pour assurer les dénonciations et les poursuites en cas de survenance d’infractions environnementales. Les échanges directs entre les formateurs et les défenseurs ont permis d’éclairer certaines zones d’ombres, de partager des expériences et de renforcer la compétence des défenseurs par des exercices pratiques. De plus, ces formations ont permis de familiariser les défenseurs avec les démarches en vigueur au sein de l’administration.
Photo : séance de travail lors de l’atelier de renforcement de capacités © Stefana A. Raharijaona
Photo : un formateur en train d’expliquer le déroulement de la procédure de dénonciation © Stefana A. Raharijaona
Lors du quatrième jour, les défenseurs ont reçu une formation sur l’importance de la sécurité physique dans le cadre de leurs activités. Cette formation a été octroyée pour que les défenseurs puissent contrer les risques susceptibles de porter un coup à leurs activités. Ils ont également assisté à la présentation d’une application de dénonciation environnementale dans encore dans sa phase d’essai pilote. Cette application développée par la start-up GLOBY a suscité l’intérêt des défenseurs car elle permet de dénoncer les infractions environnementales même en l’absence de connexion internet et aussi de lancer des SOS d’alerte.
Pour clôturer la formation, le Secrétaire Général du MEDD a remis des attestations de formation aux participants et a appelé à l’utilisation des connaissances acquises pour le bien commun de tous.
Photo : défenseurs en compagnie des formateurs avec leur attestation de formation © Stefana A. Raharijaona
Un message des défenseurs environnementaux adressé aux autorités et au public
Le dernier jour a été consacré à une activité de plaidoyer et de communication pour sensibiliser le public et les autorités sur les spécificités des défenseurs environnementaux. Une séance de partage sur le projet de loi en cours à Madagascar sur la protection des défenseurs de Droits humains a ouvert la séance. Les défenseurs ont été informés sur les dernières évolutions du projet de loi notamment certains points du contenu qui intéressent directement leur protection. Le reste de la matinée a servi à identifier les points clés du message que les défenseurs souhaitent mettre en valeur notamment les cas brûlants manquent de visibilité mais qui portent sur des violations de droits.
C’est par une conférence de presse organisée l’après-midi du 03 septembre 2021 que les défenseurs ont tenu à adresser leur message aux autorités et au public. Les défenseurs et les OSC présents ont commencé par rappeler l’importance de leur collaboration avec l’Etat et ont appelé à son affermissement pour le bien être des générations futures. Selon eux, le renforcement de capacités offert par des formateurs issus de l’Etat constitue une bonne illustration de cette collaboration notamment pour attirer les exploitants illicites de ressources naturelles à respecter la loi. Malgré cela, des violations de droit continuent de peser sur les défenseurs. Ils ont appelé à prendre en compte les exactions commis à leur encontre : les homicides, la détention arbitraire, la diffamation, l’existence de dommages issus des impacts négatifs des projets d’exploitation, la mauvaise application de la loi, la spoliation des terres des communautés locales, … Pour clôturer leur message, les défenseurs ont appelé les autorités à agir pour défendre les droits des défenseurs : appliquer la loi sans aucune discrimination, augmenter les mesures en faveur de la protection des communautés sur terrain, clarifier le statut des terres sous gestion communautaire… Enfin, les défenseurs ont insisté pour que l’Etat reconnaisse le statut spécifique de « défenseurs environnementaux » dans le projet de loi sur la protection des défenseurs de Droits humains à Madagascar.
Le dernier jour d’activité a été clôturé par un partage sur le Fonds « African Environmental Defenders » (https://envirodefenders.africa/) qui octroie des soutiens financiers aux défenseurs faisant face à des situations d’urgence. Les défenseurs se sont sentis satisfaits de la tenue des activités et ont incité leur réplication au niveau des communautés situées à la base à Madagascar.
Parajuriste communautaire : « Les activités qui ont été organisées ont permis de satisfaire ma curiosité surtout les échanges entre les formateurs et les participants. J’aurais aimé que les activités durent plus longtemps parce que j’ai remarqué que certains participants avaient encore beaucoup de choses à demander ».
Parajuriste communautaire : « Les formations ont réellement été bénéfiques. Il faudrait continuer ce genre d’activités à l’avenir ».