Natural Justice, en collaboration avec le projet BioInnovation Africa, a appuyé le développement d’un Arrêté régional visant à encadrer et organiser l’exploitation du Centella asiatica pour sa durabilité environnementale et socio-économique dans la Région Alaora Mangoro, Madagascar. Cet appui s’inscrit dans le cadre des actions visant à favoriser l’utilisation durable des ressources, l’équité et le respect des droits humains dans les chaînes de valeur basées sur la biodiversité.
La Centella asiatica, localement connue sous le nom de Talapetraka, est une plante médicinale ancestrale aux nombreuses vertus. Les principes actifs de cette plante sont continuellement demandés dans le secteur pharmaceutique et cosmétique, tant au niveau national qu’international. La filière Centella asiatica présente ainsi un potentiel important pour le développement socio-économique local et régional. Dans l’Alaotra Mangoro, où la plante est généralement cueillie en milieu sauvage, la filière fait face à différents défis qui menacent la pérennité de la ressource, la qualité des produits collectés, leur valeur marchande et la durabilité de l’exploitation.

Défis principaux de l’exploitation de la plante en milieu sauvage
La valeur déclarée de l’exportation de feuille brute de Centella asiatica de Madagascar s’élève à 8 millions de dollars pour la seule année 2023 (INSTAT, 2023). La filière fait l’objet d’une demande croissante sur le marché et emploie de nombreux ménages dans la Région Alaotra Mangoro. L’exploitation fait toutefois face à plusieurs menaces qui compromettent la durabilité et la préservation de la ressource. Parmi elles figurent la surexploitation, le développement de pratiques illégales et l’usage de techniques de cueillette non durables. Ces facteurs nuisent gravement à la régénération et à la reproduction de la plante. Par ailleurs, l’observation de la participation de personnes en dessous de l’âge légal de travail dans la cueillette risque de ternir l’image de la filière.

Objet et contenu de la règlementation de la filière
La proposition d’arrêté a pour objet de réglementer et d’organiser la filière Centella Asiatica dans la Région Alaotra Mangoro, Madagascar. Elle instaure une période de fermeture afin de permettre à la plante de se régénérer, ainsi qu’une période d’ouverture pour la cueillette, la collecte et le transport. Pour pallier l’exploitation illégale de la filière, la proposition d’arrêté réitère les principales conditions d’exploitation de la filière, notamment l’obligation de détenir un permis ou un mandat de collecteur. Afin d’assurer la pérennité de la ressource, des techniques de cueillette sont mises en place, telles que l’interdiction de cueillir sans distinction des plantes environnantes ou de pratiquer la cueillette avec la racine.
Pour prévenir le travail des enfants, une disposition rappelle que l’âge légal de travail est de 15 ans à Madagascar ; par conséquent, les mineurs moins de 15 ans ne peuvent participer aux activités de cueillette et de collecte du Centella Asiatica. La proposition de texte rappelle également les responsabilités des acteurs en matière de sensibilisation, de contrôle du respect des règles dans les pratiques sur terrain, de dénonciation en cas d’observation de non-respect et de répression.
Toutefois, à la suite du consensus des parties prenantes, le sujet du principe d’équité ou la distribution des bénéfices et des avantages liés à la filière n’est pas abordé dans la proposition d’Arrêté. Cela correspondrait à considérer les dispositions de cadre légal qui touchent la liberté des prix et d’autres obligations fiscales, sociales et environnementales des exploitants en tant qu’acteurs économiques. Si des analyses pointent du doigt le prix bas à l’achat des feuilles séchées par les intermédiaires de la filière, des initiatives pour l’établissement de normes de BioCommerce visent à rééquilibrer la valeur des bénéfices et autres avantages non-monétaires pour les cueilleurs locaux.
Un texte réglementaire initié par les parties prenantes
Cette proposition de texte résulte de la décision conjointe et, de l’étroite collaboration des autorités de la Région Alaotra Mangoro, de la Préfecture, de la Direction Régionale de l’Environnement et du Développement Durable d’Alaotra Mangoro, avec la participation active des représentants des communautés de cueilleurs et du groupe d’exploitants de Centella Asiatica dans la région. La démarche initiée a débuté par une consultation de l’ensemble des parties prenantes de la filière, visant à comprendre collectivement les défis et à identifier les principaux éléments à aborder dans une règlementation. Elle a été suivie d’une réunion avec les autorités administratives au niveau régional afin de déterminer la compétence de l’auteur de l’acte, ainsi que la procédure à suivre pour la constatation et la sanction des infractions. À l’issue de cette réunion, il a été décidé de mettre en place un comité technique chargé de la rédaction de la proposition de texte. Facilité par l’équipe de Natural Justice, ce comité était composé : d’un représentant du personnel de la Région Alaotra Mangoro, du Secrétaire Général de la Préfecture d’Alaotra Mangoro, du Directeur Régional de l’Environnement et du Développement Durable, d’un représentant du Collectif Centella Asiatica de Madagascar (regroupant les exploitants de la filière), la validation technique de la proposition de texte a été effectué en réunion plénière des parties prenantes. La proposition d’arrêté a été validée et transmise à l’autorité compétente pour sa mise en vigueur.

Vers une mise en œuvre effective après l’adoption du texte
Une fois adoptée, la mise en œuvre effective de l’Arrêté régional dépendra d’un engagement collectif et coordonné de toutes les parties prenantes selon leurs compétences respectives. La mise en œuvre nécessitera une information et une sensibilisation de masse à tous les niveaux, le contrôle des pratiques sur terrain ainsi que l’opérationnalisation d’un système de dénonciation sécurisée et de répression effective pour le redressement de tout écart aux règles convenues. Le déploiement de mesures d’accompagnement seront nécessaires. L’établissement d’un plan de communication et de sensibilisation de tous les acteurs régionaux, à tous les niveaux, est indiqué dans un premier temps pour assurer une large diffusion du contenu du texte surtout dans sa version malagasy.