I. Contexte et justification
Le projet de la Centrale électrique à charbon de Bargny-Minam est un projet du gouvernement du Sénégal qui avait pour ambition de résorber le déficit énergétique du pays. Il devait dans ce sens fournir au minimum 125 mégawatts d’électricité par an.
Au plan environnemental, il s’agit d’un projet classé de catégorie 1 c’est-à-dire un projet à haut risque qui fonctionne avec une technologie du charbon pulvérisé. La combustion du charbon se fait dans une chaudière qui permet de transformer l’eau en vapeur. Cette vapeur d’eau passera ensuite par différents niveaux de pression afin de faire tourner une turbine pour produire de l’électricité. L’eau de refroidissement (l’eau de mer) est ensuite utilisée dans un échangeur de chaleur (le condenseur) pour refroidir la vapeur transformée en liquide enclenchant à nouveau un processus en boucle.
A la base, ce projet, conçu selon le modèle « BUILT, OPERATE AND OWN », devrait fournir jusqu’à 40% de l’électricité du Sénégal. Il est mis en œuvre par la Compagnie d’Électricité du Sénégal (CES) dont le principal promoteur est la Société suédoise Nykomb Synergetics. Cependant, son évolution dans le temps s’est avérée quelque peu tumultueuse en raison des nombreux changements de propriétaire, des problèmes techniques et financiers, ainsi que des retards opérationnels. A ce jour, la Compagnie d’électricité du Sénégal (CES) est le promoteur du projet, dont le principal sponsor en 2012 était Nykomb Synergetics, une société basée en Suède. En fin d’année 2012, le groupe marocain Advisory & Finance Group Investment Bank (AFG) a rejoint le projet en tant que partenaire financier. En octobre 2015, Quantum Power a acquis les parts d’AFG et est devenu l’actionnaire majoritaire. Les prêteurs ont accepté de restructurer le prêt du projet et des accords modifiés ont été signés entre les prêteurs et la CES. Cette restructuration de l’actionnariat a occasionné la suspension du projet entre 2013 et 2015. La construction a repris un an plus tard (2016) et les tests de fonctionnement ont commencé en juin 2018. Cependant, depuis cette date, la centrale n’a pas fonctionné à plein régime du fait de nombreux problèmes techniques, tels que des arrêts au niveau de turbines, de chaudières et de condenseurs. Les difficultés techniques persistantes et les problèmes de gouvernance ont finalement conduit à l’arrêt total du projet en juillet 2019 et la centrale a été placée en redressement judiciaire. Au cours de la même année, un audit technique a été réalisé et a mis en évidence la nécessité de réhabiliter la centrale afin de la rendre opérationnelle. En octobre 2021, la société Sebenzana a obtenu un contrat d’un an pour la mise en œuvre du plan de réhabilitation. En août 2021, la vérification de la fonctionnalité des premières mesures correctives a été effectuée, avec un fonctionnement continu jusqu’à la mi-septembre, sur la base d’une charge comprise entre 65 et 80 mégawatts. Deux tests de capacité ont été réalisés en septembre 2021 (65 mégawatts nets) et en avril 2022 (95 mégawatts nets). Les activités de réhabilitation se sont déroulées entre décembre 2022 et février 2023 et, depuis mars 2023, la centrale est devenue opérationnelle.
A côté des problèmes techniques et structurels qui ont affecté l’atteinte des objectifs du projet, la centrale à charbon a fait l’objet d’un mouvement de protestation mené par les associations environnementalistes locales réunies autour du RAPEN. Ces associations n’ont cessé depuis plus de 10 ans d’exprimer leur crainte vis-à-vis des impacts négatifs sur l’environnement, l’économie locale (dominée par les activités de pêche et de la transformation des produits halieutiques) et la santé des populations. Cette situation a amené les acteurs locaux à travers le Réseau des Associations pour la Protection de l’Environnement et de la Nature (basé à bargny) et ses partenaires à mener des actions majeures de sensibilisation et de plaidoyer, de plaintes à l’encontre des bailleurs du projet comme la BAD, la BOAD et le FMO, à la saisine de l’OCDE entre autres. Ces actions ont été renforcées par la réalisation d’études scientifiques, juridiques et socioéconomiques sur le site du projet. L’audit communautaire réalisé avec le soutien de Natural Justice apparait comme un condensé des efforts de documentation tout en relevant les écarts normatifs qui affectent le processus de mise en place ainsi que les atteintes aux droits humains fondamentaux des communautés hôtes.
Après plusieurs tentatives de plaidoyer et de médiation pour trouver des solutions pratiques aux impacts subis par les populations de Bargny, le RAPEN et ses partenaires souhaiteraient explorer les voies juridictionnelles de résolution du conflit qui l’oppose à la centrale à charbon, d’où cet appel à recrutement d’un avocat expérimenté sur les questions de droits de l’homme. Ils souhaitent que cet avocat les appuie pour obtenir le retrait du permis d’exploitation de la centrale à charbon. Ils s’opposent aussi à toute délivrance d’un permis d’exploitation d’une centrale à gaz.
Ce dernier devra, sur la base d’une documentation qui lui sera remise, explorer et proposer l’option contentieuse appropriée qui permettra à la communauté d’obtenir gain de cause. Cette documentation est constituée d’analyse juridique, sociale, environnementale et économique et est produite par diverses institutions et experts reconnus. A la suite de cette analyse, l’avocat soutiendra, si besoin en est, les communautés dans la saisine des juridictions compétentes et la conduite des actes de représentation judiciaire.
II. Objectifs
- Objectif général
L’objectif général du recrutement d’un avocat est d’apporter toute l’assistance juridique et judiciaire nécessaire à la communauté impactée par la centrale à charbon pour obtenir le retrait du permis d’exploitation de la centrale à charbon et empêcher la délivrance du permis d’exploitation d’une centrale à gaz.
2. Objectifs spécifiques
Il sera plus spécifiquement question de :
- Analyser les forces, faiblesses, opportunités et menaces (risques) de ce dossier en s’appuyant sur la documentation disponible au sein de l’organisation et la documentation trouvée dans le cadre de ses recherches;
- Identifier les options contentieuses pertinentes en fonction de la situation actuelle;
- Compléter les preuves détenues par la communauté;
- Fournir des réponses aux préoccupations juridiques des communautés;
- Accomplir tout acte de représentation juridique nécessaire.
III. Livrables
- Document de stratégie contentieuse contenant une analyse SWOT (forces, faiblesses, opportunités, menaces (risques)) et l’identification des différentes options contentieuses qui s’offrent aux communautés ;
- Fournir à Natural Justice et aux parties membres de la communauté accompagnées par Natural justice un rapport bimensuel sur les activités réalisées ;
- Rendre visite aux communautés pour participer à leurs réunions d’information sur l’état d’avancement du contentieux ;
- Partager les actes d’assignation et autres décisions éventuelles rendues par les juridictions saisies.
IV. Profil recherché
L’avocat doit avoir au minimum :
- Diplôme en droit de maitrise/master II en droit ;
- Une inscription au tableau de l’ordre des avocats du Sénégal ou, s’il est un avocat de nationalité sénégalaise inscrit dans un barreau étranger, une domiciliation lui permettant d’exercer régulièrement au Sénégal sur la base des conventions de coopération judiciaire ;
- Au moins quatre (4) ans d’expérience dans les droits de l’Homme et /défense environnementale et dont au moins deux (2) ans de travail en tant que praticien du droit ;
- Familiarité et expérience avec les mécanismes et stratégies nationaux, régionaux et internationaux pour prévenir les violations des droits de l’homme et les moyens de réparation ;
- Ne pas être en situation de conflit d’intérêt avec les communautés assistées et/ou représentées ;
- Maitrise du français.
Autres qualifications
- Connaissance et expérience sur les outils de technologie de la communication ;
- Expérience de travail avec les communautés locales ;
- Expérience à négocier avec l’administration sénégalaise.
VI. Soumission et dossier d’offre
Les avocats intéressés doivent envoyer un dossier de candidature avec l’en-tête du sujet « Natural Justice demande d’emploi pour Avocat communautaire », au plus tard le 24 novembre 2023 à 17 h à l’adresse suivante : admin.dkr@naturaljustice.org
L’offre doit comprendre les éléments suivants :
a) Une proposition technique contenant
- Note explicative sur la compréhension des TDRs ;
- Brève présentation de l’approche méthodologique et du plan de travail ;
- CV détaillé avec au moins 3 références.
b) Une proposition financière
La proposition financière doit être soumise sur la base de l’approche forfaitaire, et libellée en Franc CFA. Afin de faciliter la comparaison des offres financières, il est recommandé aux candidats de fournir une ventilation de ce montant forfaitaire. Les avocats soumissionnaires doivent détailler dans leurs propositions financières les coûts des transports, les honoraires et tout autre frais, en tenant compte du nombre d’heures de travail prévues.
Ils doivent aussi préciser le taux horaire de leur honoraire.