Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a récemment rendu un bilan alarmant sur l’évolution du climat. Ce rapport indique que les températures ont, de manière générale, augmenté de 1,1°C depuis le début de l’ère industrielle. Certains experts craignent que le seuil critique de 1,5°C que les Etats s’étaient engagés à ne pas dépasser en signant l’accord de Paris, soit déjà atteint d’ici 2030, malgré tout effort d’atténuation des risques du changement climatique. Les concentrations dans l’air de méthane et de dioxyde de carbone émis par la combustion de combustibles fossiles, sont les premières causes du réchauffement climatique. Il est donc nécessaire d’intervenir immédiatement pour diminuer notre production à gaz à effet de serre, surtout de dioxyde de carbone et de méthane.
De plus, ces dernières décennies ont prouvé que nous ne sommes pas à l’abri de catastrophes écologiques causées par des déversements importants de pétrole dans nos eaux. Les exemples sont multiples, que ce soit en Amérique, en Europe ou encore en Afrique. Pour n’en citer que quelques-uns, un oléoduc accidenté à donné lieu à un déversement de pétrole qui a pris feu dans le golfe du Mexique le mois dernier, et plus tôt dans l’année, des tonnes de goudron noir se sont déversées dans la mer méditerranéenne suite à une fuite dans un pétrolier.
Il va sans dire que les dégâts causés par ces accidents prendront des années à être résorbés.
Malgré l’urgente nécessité de changer de paradigme énergétique, et les risques environnementaux et sociaux énormes que représente l’extraction de pétrole et de gaz, des projets d’exploration et d’exploitation pétrolière et gazière dits ‘de développement’ continuent à émerger un peu partout dans le monde ignorant les chiffres alarmants présentés dans les derniers rapports du GIEC.
Malheureusement, ce n’est pas tout. La République Démocratique du Congo (RDC), extrêmement riche en ressources naturelles, prévoit de lancer un appel d’offres d’ici la fin de l’année 2021 portant sur 16 blocs pétroliers et 3 blocs gaziers en vue de développer son secteur d’hydrocarbures. Dans le contexte congolais actuel, cela ne constitue pas une bonne nouvelle pour l’environnement et les communautés locales ainsi que les peuples autochtones. En effet, la RDC souffre de déforestation alarmante et connaît déjà plusieurs cas de communautés locales et de peuples autochtones ayant perdu leurs terres et leurs sources de subsistance à cause de soi-disant ‘projets de développement’.
La RDC, située en Afrique centrale, constitue le deuxième plus grand pays d’Afrique, après l’Algérie. Elle abrite une des plus importantes forêts tropicales au monde, couvrant la moitié de sa superficie totale. Cette forêt est aussi considérée comme le deuxième poumon vert de la planète, après la forêt amazonienne. Rien qu’en 2020, la RDC a perdu 1,31 million d’hectares de forêt naturelle d’après Global Forest Watch.
La RDC est également un des pays les plus riches au monde en ressources naturelles. La répartition actuelle des ressources et des terres en RDC est non seulement le résultat des récentes guerres (de 1996-1997 et 1998-2003) qui ont déplacé des milliers de personnes et qui ont empiré la lutte foncière, mais surtout des institutions mises en place lors de la colonisation belge. Les autorités belges ont fait de la RDC un pays dont l’économie est essentiellement basée sur l’exportation dans lequel les industries extractives et agroalimentaires jouent un rôle primordial.
La RDC figure parmi les plus grands producteurs et exportateurs de cobalt, de cuivre et de diamants. Elle contribue également aux marchés mondiaux d’une dizaine d’autres minerais. La RDC contient aussi d’importantes concentrations d’hydrocarbures dans ses sols, et prévoit de lancer un appel d’offres international d’ici la fin de 2021 portant sur 16 blocs pétroliers et 3 blocs gaziers en vue de développer ce secteur, menaçant les parcs nationaux de la Salonga et des Virunga destiné à la conservation de la nature. Ces projets miniers et d’hydrocarbures non seulement sont nocifs pour l’environnement mais aussi, sont responsables pour l’extradition et le déplacement de communautés locales et de peuples autochtones.
En 2019, 10 000 mineurs artisanaux dans la province du Lualaba ont été expulsés de leurs territoires pour permettre l’exploitation minière à grande échelle. Bien que ces mineurs artisanaux se soient retrouvés sans terres et dépourvus de leurs moyens de subsistance, ils n’ont été compensés d’aucune manière par la suite malgré l’adoption d’une nouvelle loi du code minier en 2018 reconnaissant l’obligation pour les titulaires des droits miniers d’indemniser, de compenser et de réinstaller les communautés locales déplacées par des activités minières (article 281). Néanmoins, comme le montre le cas des mineurs artisanaux de Lualaba, la mise en œuvre de cette loi reste incomplète.
De manière similaire, la loi de 2015 portant régime général des hydrocarbures prévoit que les contractants seront tenus responsables pour les impacts environnementaux et sociaux liés aux activités d’exploration et d’exploitation. Néanmoins, ces dispositions restent vagues et risquent de ne pas avoir d’effet en pratique. De plus, comme démontré ci-dessus, même lorsque la Loi fait preuve d’innovation en matière sociale et environnementale, elle est rarement dûment appliquée.
Bien que la RDC fasse déjà face à divers problèmes environnementaux et sociaux d’ampleur considérable, le gouvernement actuel continue de percevoir le développement du secteur congolais d’hydrocarbures comme futur contributeur à la croissance économique du pays, ignorant pleinement les risques à court et long terme.
Néanmoins, tout n’est pas perdu et il est encore temps d’empêcher l’exploration et l’exploitation de pétrole en RDC là où une fuite de pétrole aurait les conséquences les plus dévastatrices, notamment les parcs nationaux qui contribuent à la préservation de la biodiversité, des écosystèmes ainsi que des forêts.
Par exemple, suite à la mobilisation de personnes concernées et d’organisations non gouvernementales dont WWF, le projet d’exploitation pétrolière situé en partie sur le parc de la Salonga a déjà été abandonné. Le même résultat pourrait être atteint pour le parc national des Virunga qui demeure menacé. Pour en savoir plus sur le parc des Virunga et les effets que l’exploration et l’exploitation pétrolière auraient sur l’environnement du parc national, 350.org a produit un court-métrage appelé Fossil Fuel Free Virunga. Tout un chacun peut également signer la pétition lancée par la même organisation, afin de demander au gouvernement congolais de ne pas distribuer des permis d’exploration de pétrole sur ce territoire.
Bien que l’exploitation pétrolière soit perçue comme une aubaine économique par les autorités congolaises, cette entreprise est en réalité incompatible avec tout effort visant à prévenir les dommages irréversibles causés par le changement climatique et les catastrophes d’origine humaine.
La population congolaise est déjà confrontée à de sérieux défis sociaux et environnementaux que le gouvernement peine à adresser à lui seul. Sachant cela, autoriser l’exploration pétrolière et gazière sur le territoire congolais serait non seulement irrationnelle mais aussi insensible envers toutes les personnes qui en subiront les conséquences écologiques.
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Oil exploration in the DRC: economic boon or ecological disaster?
The Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC) recently issued an alarming report on climate change. This report indicates that temperatures have generally increased by 1.1°C since the start of the industrial age. Some experts fear that the critical threshold of 1.5°C that states, by signing the Paris agreement, have committed not to exceed, will already be reached by 2030 – despite any effort to mitigate the risks of climate change. The concentrations in the air of methane and carbon dioxide emitted by the combustion of fossil fuels are the primary causes of climate change It is, therefore, necessary to intervene immediately to reduce our production of greenhouse gases, especially carbon dioxide and methane.
In addition, the past decades have proven that we are not shielded from environmental disasters caused by large oil spills in our waters. There are many examples, whether in America, Europe or Africa. To name but a few, a spill from an oil pipeline caught fire in the Gulf of Mexico last month; and earlier in the year, tons of black tar spilled into the Mediterranean Sea due to a leak in an oil tanker.
It goes without saying that the damage caused by these accidents will take years to be solved.
Despite the urgent need to change the energy paradigm, and the enormous environmental and social risks of oil and gas extraction, these projects continue to grow everywhere in the world, ignoring the alarming figures presented in the latest IPCC reports.
The Democratic Republic of Congo (DRC), which is extremely rich in natural resources, plans to launch a call for tenders by the end of 2021 for 16 oil blocks and 3 gas blocks, in order to develop its sector of hydrocarbons. In the current Congolese context, this is not good news for the environment and local communities – as well as indigenous peoples. Indeed, the DRC is already suffering from alarming deforestation and already has several cases of displaced local communities and indigenous peoples who lost their lands and sources of livelihood due to so-called ‘development projects’.
Located in central Africa, the DRC is the second largest country in the continent, after Algeria. It is home to one of the most important tropical forests in the world, covering half of its total area and considered the second “green lung” on the planet, after the Amazon rainforest. We should do all we can to protect it. However, according to Global Forest Watch, in 2020 alone, the DRC lost 1.31 million hectares of natural forest.
The DRC is also one of the richest countries in the world in natural resources. The current distribution of resources and land in the DRC is not only the result of the recent wars (1996-1997 and 1998-2003) which displaced thousands of people and worsened the struggle for land, but also impacted on by the institutions put in place during the Belgian colonization. The Belgian authorities have made the DRC a country whose economy is essentially based on exports, in which the extractive industry plays a key role.
The DRC is one of the largest producers and exporters of cobalt, copper and diamonds. It also contributes to the world markets of a dozen other minerals. The country also contains significant concentrations of hydrocarbons in its soils. The exploration mentioned earlier, should it go ahead, directly threatens the national parks of Salonga and Virunga, intended for the conservation of nature. These mining and hydrocarbon projects are not only harmful to the environment but are also responsible for the extradition and displacement of local communities and indigenous peoples.
In 2019, 10,000 artisanal miners in Lualaba province were evicted from their territories to allow for large-scale mining. Although these artisanal miners found themselves without land and without means of subsistence, they were not compensated in any way. This, despite the adoption of a new mining code in 2018 recognizing the obligation for holders of mining rights to compensate local communities displaced by mining activities (article 281). However, as the case of artisanal miners in Lualaba shows, the implementation of this law remains incomplete.
Similarly, the 2015 law on the hydrocarbons regime provides that contractors will be held responsible for the environmental and social impacts linked to exploration and extraction. However, these provisions remain vague and may not have any effect in practice. Moreover, as demonstrated above, even when the law demonstrates social and environmental innovation, it is seldom properly enforced.
Although the DRC is already facing various environmental and social problems of considerable magnitude, the current government continues to perceive the development of the Congolese hydrocarbon sector as a future contributor to the economic growth of the country. This fully ignores the short-term and long-term risks.
However, all is not lost and there is still time to prevent the exploration and exploitation of oil in the DRC where an oil spill would have the most devastating consequences, in particular the national parks which contribute to the preservation of biodiversity, ecosystems and forests.
For example, due to campaigns run by some non-governmental organisations such as WWF, the oil exploitation project, located partly in the Salonga Park, has already been abandoned. The same result could be achieved for the Virunga National Park, which remains threatened. To learn more about the Virunga Park and the effects oil exploration and extraction would have on the environment of the national park, 350.org produced a short film called Fossil Fuel Free Virunga. Anyone can also sign the petition launched by the same organisation, asking the Congolese government not to distribute oil exploration permits in this territory.
The exploration and exploitation of oil might be perceived as an economic boon by the authorities, but the reality is that it is incompatible with any effort to prevent irreversible damages caused by climate change and man-made disasters.
The Congolese population is already facing serious social and environmental challenges that the government itself is struggling to alleviate on its own. In the light of this, allowing the exploration of oil and gas on the Congolese territory would not only be irrational but also insensitive towards all the people who would have to suffer from the ecological consequences.