Une décision impactant les droits de l’association TSARAFARA et les efforts fournis par les VOI – communautés locales parties aux contrats de transfert de gestion de ressources naturelles à Madagascar.
L’association TSARAFARA, une VOI – communauté locale de base gérant une forêt à Tsiazompaniry au moyen d’un contrat de transfert de gestion avec l’administration forestière, a été condamnée par la Cour d’Appel d’Antananarivo dans son arrêt du 17 Août 2022 à une expulsion des lieux et au paiement d’une somme de 10.000.000 d’Ariary à titre de dommages-intérêts à un particulier privé arguant être le propriétaire d’une partie des terrains inclus dans l’aire gérée par la communauté d’une superficie de 30 Ha.
Des infrastructures, des aménagements, des constructions et des reboisements ont été effectués par l’association TSARAFARA dans et autour des 30 Ha réclamés par le particulier
privé à savoir :
- la reforestation de 39 Ha de terrains par la plantation 77 000 plants d’eucalyptus robusta financée par la Fondation TANY MEVA en 2001 (convention n° 07/TMV/01/CREX);
- la reforestation 78 Ha de terrains par la plantation de 154 000 plants d’eucalyptus robusta et de pinus kesiya financée par la Fondation TANY MEVA en 2002
(convention n° 46/TMV/02/CREX); - l’installation d’une (01) cabane financée par la Fondation TANY MEVA;
- la construction d’une tour de guet financée par la Fondation TANY MEVA;
- l’installation d’un site de camping comprenant huit (08) abri-tentes et trois (03) passerelles financés par la Fondation TANY MEVA;
- le traçage de trois (03) circuits pour l’écotourisme financé par la Fondation TANY MEVA;
- une plantation de ravintsara, de caféiers, de bananiers et d’avocatiers financés par le GEF-SGP en 2006 ;
- l’aménagement d’un (01) bassin piscicole par l’association TSARAFARA et ses sympathisants.
Cette affaire est actuellement en attente d’une délibération au niveau de la Cour de Cassation pour ce 08 octobre 2024 et risque de créer un précédent judiciaire concernant la sécurité juridique des terrains inclus dans les aires gérées par les VOI sous contrat de transfert de gestion à Madagascar.
Un bref rappel des faits sur litige
Le litige qui oppose l’association TSARAFARA au particulier privé date de plusieurs années.
Le 09 mars 2004, Ministère des Eaux et Forêts, représenté par la Direction Régionale des Eaux et Forêts, a conclu une convention transférant la gestion de la forêt d’Analatsarafara incluant la parcelle d’Andriankely à l’Association TSARAFARA (Fokontany Manandriana – Commune Rurale d’Ambohimiadana – District d’Andramasina). Cette convention a été renouvelée le 23 novembre 2010 pour 10 ans après évaluation et le dernier renouvellement date du 29 décembre 2021 pour une nouvelle durée de 10 ans.
Aucune opposition ni objection n’a été observée ni enregistrée disant que les parcelles à transférer appartiennent à un ou des d’individus lors de la procédure d’agrément incluant l’information villageoise à l’officialisation du contrat lors de la ritualisation.
Le litige a commencé lorsqu’en juin 2019 une requête a été déposée au niveau du Tribunal de Première Instance d’Ambatolampy par ledit particulier privé pour demander l’expulsion de l’association TSARAFARA des lieux, payer une somme de 20.000.000 Ariary à titre de dommages et intérêts et cesser tout trouble de jouissance sur le terrain de 30 Ha. Il soutient être propriétaire du terrain qui a été valorisé par ses parents avant lui et prétend que les aménagements de l’association Tsarafara se trouvent dans sa propriété à Tsarahonenana et non sur le terrain identifié comme Andriankely. Le Jugement du Tribunal de Première Instance du 9 novembre 2020 a rejeté la demande du particulier privé aux motif que : - Suivant la descente sur les lieux effectuée par le Tribunal et les entités présentes (représentant du Cantonnement des Eaux et Forêts, représentant du service des domaines et de la topographie d’Andramasina, Conseiller Communal, Président Fokontany, représentants des Forces de l’ordre, représentants du Fokonolona, représentants de l’association TSARAFARA) en présence de la partie adverse, le terrain dont il prétend être propriétaire ne fait pas partie de l’aire gérée par le VOI
TSARAFARA – à Andriankely – mais se trouve à un autre endroit – Tsarahonenana non inclus dans l’aire dont la gestion est transférée à l’association TSARAFARA ; - Aucune opposition officielle n’a été enregistrée de la part l’individu lors de la procédure de transfert de gestion.
La décision de la Cour d’Appel d’Antananarivo du 17 Août 2022 renverse cette décision du Tribunal de Première Instance car elle ordonne l’expulsion des lieux de l’association TSARAFARA et le paiement d’une somme de 10.000.000 d’Ariary à titre de dommages intérêts au particulier privé. La Cour d’Appel avance pour motiver sa décision qu’il s’agit d’un seul et même terrain. Il en découle que l’association TSARAFARA ne possède pas d’autorisations pour effectuer des opérations sur le terrain et que l’association et ses membres constituent donc des occupants sans titre.
L’association TSARAFARA a déposé une requête datant du 22 novembre 2022 au niveau de la Cour de Cassation et elle a été rejoint par le Cantonnement des Eaux et Forêts qui a aussi déposé une requête datant de juin 2023 pour casser cette décision de la Cour d’Appel . Le délibéré de l’affaire est prévu le 08 octobre 2024 prochain à la Cour de Cassation.
Pour le respect des droits du VOI TSARAFARA et la protection des aires sous contrat de transfert de gestion à Madagascar.
Ce litige rappelle la fragilité de la sécurité foncière des aires gérées par les VOI à Madagascar. Le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable recense actuellement 1559 VOI pour un total de 2129 contrats de transfert de gestion couvrant une superficie totale de 3 396 554 Ha à Madagascar (source : https://www.environnement.mg/?p=8693).
Nous, co-signataires du présent communiqué, en soutien au VOI TSARAFARA dans le cadre du présent litige et en solidarité aux VOI travaillant à Madagascar : - Demandons aux institutions judicaires concernées de faire droit aux requêtes conjointes de l’association TSARAFARA et du Cantonnement des Eaux et Forêts d’Andramasina ;
- Réitérons aux autorités en charge du foncier l’importance de sécuriser les terres gérées par les VOI pour lutter contre les accaparements de terres ;
- Réitérons I’importance d’adopter un cadre juridique aux aires à statuts spécifiques incluant les transferts de gestion, les aires protégées, les aires de reboisement, les aires de reforestation, etc. suivant l’esprit de l’article 38 de la loi n° 2005-019 fixant les statuts des terres ;
- Appelons les autorités à tous les niveaux (national, régional et local) à considérer et protéger les efforts menés par les VOI qui contribuent à la protection des forêts, de la biodiversité et de l’environnement à Madagascar notamment pour l’atteinte des objectifs mondiaux tels que la cible 3 du Cadre Mondial pour la Biodiversité ainsi que les objectifs nationaux fixés dans la Politique Générale de l’Etat et les politiques sectorielles liés à la protection de l’environnement.
Les organisations co-signataires :
Association TSARAFARA
TAFO MIHAAVO (TAmbazotran’ny FOkonolona MItantana ny HarenA VOajanahary)
Fondation TANY MEVA
ROHY (Rindran’ny Olom-pirenena Hiarovana Iaraha-manana)
Alliance Voahary Gasy (AVG)
Sehatra Iombonana ho an’ny Fananantany (SIF)
NATURAL JUSTICE
FANONGA FOKONOLONA
Jeunes Actifs pour le Développement Durable (JADD)
Malagasy Youth Biodiversity Network (MYBN)
MSIS-Tatao
Coalition National de Plaidoyer Environnemental (CNPE)
PFROSC MTH Betsiboka
PFNOSCM (Plate-forme Nationale des Organisations de la Société Civile de Madagascar
Taiza Madagascar